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Cristofaro Delvecchio

Papiers et partages (à tendance communiste)

Vis ma vie de chômeur à Pôle Emploi (5)

Vis ma vie de chômeur à Pôle Emploi (5)

Dernier épisode des aventures d’Olivier à Pole Emploi. Bilan de toutes ces années perdues dans la machine bureaucratique.

Par Olivier.

Synthèse

Je peux désormais établir les premières statistiques comparatives après plus d’un mois de présence de mes CV sur le site corporate (dont 15 refresh par jour pour être en haut des listes, et oui, ça se passe comme ça chez Pôle-Emploi…), et les autres sites sur lesquels je suis présent depuis un certain temps, et qui ne nécessitent, eux, aucun refresh : en moyenne la concurrence classique (Indeed, PacaJob, JobiJoba, Monster…) m’apporte 3 visites chaque semaine par CV, là où Pôle-Emploi brille avec zéro visite depuis ma mise en ligne.

Attention, je ne reproche pas l’absence de propositions, mais bien l’absence totale de simple visite sur au moins 2 des 3 CV qui correspondent à des besoins réels d’entreprises, et pour lesquels je vois, chaque jour, des annonces publiées pouvant correspondre à mes critères de base, ceux qui font que l’on va visualiser le CV, même pour se rendre compte qu’il n’est pas celui que l’on cherche, mais qui a le mérite de générer +1 au compteur de visites…

Interlude : dernier contact interactif en tant qu’allocataire

Ayant obtenu la proposition par le formateur interne, lors du 4e stage CV, de lui présenter mon travail à des fins de critique, et cette fois, des propositions de modifications, j’ai attendu son retour (2 semaines annoncées) de congés, et lui ai envoyé un petit message afin d’attirer son attention sur mes CV.

Je recevrai deux jours plus tard, au 21e jour de mise en ligne, une réponse courtoise, me disant que mes CV étaient biens. Chouette !

Il me suggère néanmoins de joindre mes vrais CV classiques aux CV Pôle-Emploi.

  • À quoi ça sert de créer un CV pour y attacher un autre CV ? Je retourne sur le site corporate pour me prêter à l’exercice. Je n’en peux plus de cette logique…

Et là SURPRISE ! Mes 3 compteurs de visites, qui marquaient encore la veille à minuit un triste triple zéro, indiquent désormais ce matin 1 – 0 – 0. Quelqu’un est venu pendant la nuit ! Si c’est un recruteur, je suis bien content : c’est que je suis visible. Si c’est le formateur… il n’a jeté un œil qu’à 1 des 3 CV, me certifiant que les 3 étaient bons…

Je n’aime pas les coïncidences…

Je crée néanmoins 2 CV corporates supplémentaires, l’un pour du « support informatique » (de la bonne hot-line des familles), et le fameux CV de « Conseiller en Emploi et Insertion Professionnelle », plébiscité par mon propre Conseiller.

J’attache aux 5 CV corporates, comme suggéré, 5 CV classiques de ma composition. Ceux qui, justement, ne conviennent jamais et me conduisent systématiquement vers un nouvel atelier CV. J’avais bien besoin de ça.

Dès l’opération terminée, j’envoie une nouvelle demande au formateur zélé, cette fois explicitement, insistant sur le fait que j’ai vraiment besoin d’aide avant d’avoir à dormir dans ma voiture, et que je lui serais reconnaissant de critiquer ces 5 différents CV, puisque, après 2 années infructueuses, je cherche donc tous azimuts. Je présente également des excuses bien plates sur le temps qu’il devra affecter à mon cas, façon chantage affectif, au point où j’en suis…

Je verrai bien : 1. Si mes compteurs bougent de nouveau, et 2. Avec de la chance, si j’obtiens ENFIN une aide constructive de Pôle-Emploi…

Pour l’instant, mon compteur de visite est donc à : 1 – 0 – 0 – 0 – 0.

Quelques jours passent encore, puis nous sommes prévenus que le site présentera des perturbations pendant ce week-end du 18-19 juin. De fait, le site est inaccessible : Erreur 404. Carrément. Ça, c’est de la bonne gestion évolutive… Même les informaticiens s’en mêlent. Il ne pourra pas bosser, mon Conseiller, si le réseau est down. Bref, vivement lundi. Tout de même, je n’ai jamais vu un site web qui ferme 48h pour une évolution technique. Des magasins physiques ferment pour une rénovation, un inventaire ou un dimanche. Pas un site web, si ? Eh bien Pôle-Emploi oui.

Nous lirons dans la presse qu’une super mise à jour a été intégrée à l’attention des employeurs uniquement, afin de leur permettre d’utiliser l’outil plus intuitivement.

Résultat de ces 2 jours d’arrêt ? Rien de visible de mon côté.

Mais ma recherche sauvegardée « vendeur en informatique », me renvoie désormais une palanquée d’annonces plus farfelues les unes que les autres : vendre de la vaisselle et autre assurer du SAV de machines-outils en passant par vendeur chez Décathlon. Bref, tout sauf vendeur informatique.

De toute façon, mes compteurs de visites sont toujours à zéro sauf sur l’un des deux nouveaux CV. En effet, curieusement, lorsque j’ai mis en ligne mon CV « Conseiller en emploi », j’ai obtenu en moins de 2 heures 6 visites ! Et après plus rien. Zéro visite supplémentaire. Conclusion : il y a au plus 6 sociétés qui cherchent activement des Conseillers en Emploi. Les autres recruteurs attendraient-ils que les candidats affluent par eux-mêmes ? Après tout, il y a tellement de chômeurs, ils n’ont qu’à chercher le travail eux-mêmes, ça a été assez fatiguant de publier l’annonce pleine de fautes d’orthographe et d’incohérences grâce au nouveau panel employeur si flexible.

N’y-a-t-il donc que les recruteurs de Conseillers en emploi qui utilisent le site de Pôle-Emploi ? L’utilité du site corporate me paraît de plus en plus futile… d’autant plus que je n’ai toujours pas de réponse du Conseiller-zélé-qui-propose-des-corrections-ultérieures-pour-partir-plus-tôt, plus de 10 jours après mon appel à l’aide… Corrections qui, je le rappelle, étaient pour moi l’unique motivation à mettre en ligne ma vie sur le site-même de Pôle-Emploi…

Nous sommes maintenant le premier juillet, plus d’un mois a passé depuis que l’on m’a promis de l’aide sur mes CV. J’ai eu beau relancer le formateur, pas de réponse ni réaction.

Courage, chers Conseillers, vous allez bientôt pouvoir sortir la tête du trou : encore 14 jours et je sors officiellement des chiffres des demandeurs rémunérés.

40 jours après leur mises en ligne, le compteur de visites de mes CV est : 1 – 0 – 0 – 6 – 0.

Fin de l’interlude

Je repense au coup pourtant classique du gars qui voudra partir plus tôt le vendredi après-midi parce qu’il est en vacances le soir-même — alors que je n’ai, moi, que cet instant-là pour apprendre et comprendre comment faire des CV et tenter de changer ma vie — mais qui engrange les co-financements de l’Union Européenne sans vergogne, avec ma signature de chouette stage extorquée par ses promesses d’un suivi postérieur qu’il ne respectera pourtant pas.

À l’instar du temps perdu dans ces stages CV et autres stages confiés à des prestataires si peu engagés et si peu scrupuleux dans leurs actes professionnels, pompant activement les subventions sociales, je me dis qu’il doit bien y avoir une raison objective de vouloir me faire perdre mes journées sur le site de Pôle-Emploi, à l’aune de mon expérience et du comparatif présenté plus haut.

Car avec le recul, le dernier stage CV interne à Pôle-Emploi me fait penser à de la promotion. En effet, tout y est : culpabilisation de la non utilisation (même si on pointe ailleurs), présentation couleur et promotion dynamique, promesses d’un SAV CV, et une fois mordu, ce même sentiment que l’on ressent lorsque l’on s’est abonné à un truc que l’on avait déjà, mais en moins bien, et un SAV qui ne fonctionne pas… (Vous voyez que j’ai mes bases de commerce…)

De fait, si les annonces à arbitrer sont gérées par des robots à l’esprit manifestement dépourvu de liberté, et que les autres annonces sont trouvables par ailleurs… Why ?

À moins que l’ on ait besoin d’y montrer un trafic utilisateur digne de celui d’Amazon – trafic néanmoins artificiel car le site n’est finalement qu’un agrégateur ; mais trafic qui serait interprétable comme la preuve matérielle nécessaire pour que le Grand Décideur de ce projet de site web probablement pharaonique et coûteux (c’est nos taxes, ça aussi ?) puisse briller et justifier sa future promotion dans la droite lignée de Peter ?

Pour facturer encore plus les recruteurs qui finiront bien un jour à payer leurs annonces en proportion des parts de marché d’un Pôle-Emploi déjà livré à la concurrence et prétendument dépositaire d’un savoir-faire démontrable par ses gros graphiques de trafic ?

Remplacer à terme les Conseillers (majoritairement en CDD de 6 mois renouvelables) une fois le flow éprouvé par ces derniers, un peu à la façon du reCaptcha de Google qui confie à ses propres clients le soin d’enseigner la reconnaissance des bons caractères à ses ordinateurs ? La presse a parlé ces jours-ci de la future robotisation des Conseillers… n’est-ce pas déjà fait ? Pas assez bien peut-être… merci Adidas, pour tes idées lumineuses.

J’ai l’impression d’être confronté de nouveau aux raisons qui m’ont poussé à quitter mon précédent emploi : grenouillage, incompétence au poste, absence de prise de risques et donc d’engagement, d’analyse, de réflexion et donc de production, privilège de la facilité, ignorance des sujets abordés, négation des réalités, maintien de son propre confort et je-m’en-foutisme. Une vitrine, rien qu’une vitrine dans une organisation sans contrôle, vouée à distribuer des allocations jusqu’à la lie, qui se contente des retours naturels ou « alimentaires » vers l’emploi pour toute statistique présentable de l’utilité individuelle du Conseiller en Emploi, celui-là même qui sera pourtant prêt à user de toute l’énergie disponible pour maintenir les choses en état… (J’ai aussi côtoyé les sections syndicales de Pôle-Emploi dans ma vie d’avant…)

J’ai aujourd’hui, en partie grâce à l’inertie plombante de la méthode Pôle-Emploi et à son manque cruel d’analyse et donc d’utilité dans le cadre du suivi individualisé, un trou professionnel de 14 ans, et à 45 ans, j’arrive en fin de droits et donc au RSA, dont la seule évocation fait trembler tous ceux qui se savent capables et veulent travailler. Il ne me reste plus qu’à partir de moi-même pour enfin être ajouté au nombre des sorties naturelles et combler de bonheur mon Conseiller qui pourra enfin graver cette nouvelle croix au-dessus de son écran… et peut-être même m’intégrer à ses 13% d’efficacité dénoncée par la Cour des Comptes, au vu du nombre d’actions effectuées pour mon seul cas…

En outre il paraît presque inutile de faire remarquer que, dans de telles conditions, le turn-over naturel ne vient que du fait que, au bout d’un moment, tout-un-chacun-chômeur retrouvera un emploi parce qu’il faudra bien vivre !

Par du travail non déclaré, des petits boulots avilissants timidement aiguillés lors d’un critique 4e atelier CV, quelle que soit la méthode de survie trouvée, ce turn-over existe surtout parce que tout-un-chacun-en-question s’en sortira par lui-même ou sera mécaniquement radié de la liste comptabilisable des allocataires visibles et gênants, ayant atteint sa lie, comme ce sera mon cas dans quelques jours.

En aucune manière ce turn-over, ici normalement gratifiant, ne viendra, hélas, d’une quelconque tentative de mise en adéquation plus élaborée que les y autorisent des règles de gestion aussi simplistes, inadaptées et strictes, programmées par le Grand Décideur. Ces moins de 15% de retour à l’emploi imputables à Pôle-Emploi, dossier dénoncé, donc, par la Cour des Comptes il n’y a pas si longtemps, sont semble-t-il tristement compréhensibles…

Et quand on pense à l’avenir déjà tracé de toute population salariée à qui on demande, un jour, de se contenter d’appuyer sur des boutons en guise de contrôle ou d’arbitrage, population qui l’acceptera en pensant son travail simplifié (c’est bien pratique, l’informatique !), déplaçant inexorablement d’un cran supplémentaire la paresse individuelle en trouvant probablement désormais fatiguant d’ajouter quelques mots afin d’éviter un « Motif : refusé » si peu constructif et si démonstratif de manque de volonté…

Enfin ! Même les hôtes de caisse comprennent vite le danger de la douchette, malgré leur mal de dos ! Encore une histoire de cordonnier mal chaussé et de lorgnette à petit bout… N’ont-ils pas, chez Pôle-Emploi, le souci de la valeur ajoutée pour justifier et maintenir un jour leur propre existence et légitimité ?

Il existe dans le domaine de la hot-line, un savoir-faire qui conduit les problèmes les plus simples à être priorisés sur les problèmes complexes, indépendamment de la chronologie de réception des appels. Ce processus vise à réduire le nombre de mécontents à l’instant T : la majorité des problèmes étant simples et résolus rapidement, seulement quelques-uns se plaindront, donnant l’illusion d’un service efficient, alors que les problèmes complexes ne sont pas traités… faute de compétence ?

Honnêtement, même en prenant les chiffres officiels du taux de clients, (c’est le terme utilisé), par Conseiller, paru récemment, soit 116 personnes à gérer en moyenne, et si tous mes collègues demandeurs d’emploi bénéficient du même traitement que moi (qui ne suis visiblement pas prioritaire pour un sou, mais quid des copains motivés ?), alors dès le premier mardi midi du mois, je pense que mon Conseiller a fini SON MOIS DE TRAVAIL…

Une explication serait que le turn-over mensuel (et donc du travail d’accueil en plus) sur un total brut de 116 dossiers est tellement important que ça empêcherait tout suivi effectif ? Mais dans ce cas cela serait un signe d’implosion du marché du travail (et à périmètre constant, oui, un signe d’explosion également). Personne n’a pourtant évoqué ce phénomène-là…

Next…

Puisqu’il est donc manifeste que le turn-over n’est pas explosif, combien de temps, du vrai temps, accorde-t-on à chacun des 116 dossiers, sur la durée de leur inscription ? Quelle priorisation fait-on d’une situation à l’autre, d’une urgence à l’autre, lorsque l’on est suivi ?

À 140h brutes (4x35h) de travail par mois :

  • vu l’absence de réussite de nombre d’entre nous, ne nécessitant vraisemblablement un besoin de réflexion que sur un pourcentage faible (les fameux 15% constatés), et par effet mécanique, la relative autonomie de 85% restants,
  • vu le peu d’annonces corporates Pôle-Emploi exigeant un arbitrage du Conseiller, croisé avec le peu de temps manifeste accordé à leurs traitements,
  • vue la capacité qu’à chaque demandeur de se débrouiller seul en postulant directement auprès des recruteurs, ne générant donc pas de travail d’arbitrage supplémentaire pour le Conseiller,
  • vu la délégation systématiquement appliquée pour le seul vrai travail d’émancipation du demandeur d’emploi (projet professionnel, CV, lettres de motivation et utilisation de l’outil informatique),
  • vu la constructivité pitoyable des réponses automatisées mises en place pour le bien-être du Conseiller qui n’exécute plus aujourd’hui qu’un job de hot-liner de niveau 1 (« il y a encore beaucoup de travail, voulez-vous que je vous inscrive……… »),
  • vu pour ma pomme que les promesses d’un SAV CV n’engagent que ceux qui y croient,
  • vu, enfin, le petit nombre de demandeurs à réclamer un suivi, et donc à générer 1h de travail tous les 3 ou 6 mois. Pas plus en travail préparatoire puisque je constate systématiquement que j’ai besoin de rappeler ma situation – même un médecin traitant a plus de mémoire, et il a nettement plus de 116 clients, lui…

Où sont passées mes minutes d’investissement suivi personnalisé, pourtant choix de contrat entre Pôle-Emploi et moi, contrat qui serait mis à mal à la moindre incartade de MA part (menaces de radiation sur chaque courrier) mais qui n’est visiblement pas respecté par l’une des 2 parties qui n’est pas moi ?

Quand on constate que le Conseiller en Emploi est aussi peu engagé dans son propre métier – pourtant hautement et moralement responsable, comme instituteur ou curé de village, (mauvais exemple), et que l’on n’a qu’une vision aussi ténue de sa propre condition à venir, je sais désormais que, pour nous autres les demandeurs d’emplois capables et désireux de travailler, nous ne pourrons jamais compter que sur nous-mêmes.

Épilogue

Le Canard enchaîné a publié le 2 août 2016 un article amusant terrifiant sur la pression exercée sur Pôle-Emploi afin de placer 500.000 demandeurs d’emploi en formation. Il est même écrit que certains Conseillers peinent à trouver des volontaires et doivent se souvenir de ceux qui ont exprimé un besoin de formation.

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